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===Est-on envahi par les « migrants » ? === | ===Est-on envahi par les « migrants » ? === | ||
Non, la Belgique n'est pas envahie. Le nombre de demandeurs d'asile varie chaque année mais reste gérable. La plupart des migrants dans le monde restent dans leur région d'origine. | <u>Non, la Belgique n'est pas envahie. Le nombre de demandeurs d'asile varie chaque année mais reste gérable. La plupart des migrants dans le monde restent dans leur région d'origine</u>. | ||
Avec 36.871 demandes en 2022 et encore 2.700 en janvier 2023, les arrivées de personnes demandant une protection internationale à notre pays sont au plus haut depuis la crise syrienne de 2015 (un peu moins de 45.000 demandes). Mais à l’époque, des solutions avaient pu être trouvées rapidement pour que personne ne dorme à la rue pendant des semaines. « On oublie aussi de dire que l’augmentation des chiffres s’explique par les restrictions de possibilités de voyage durant le covid en 2020 et 2021 », ajoute Jessica Blommaert, spécialiste de l’accueil au Ciré (Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Etrangers). « Il était prévisible qu’au moment du retour à la normale, plus de personnes arrivent en Europe. Cela n’a pas été anticipé par les autorités. » | Avec 36.871 demandes en 2022 et encore 2.700 en janvier 2023, les arrivées de personnes demandant une protection internationale à notre pays sont au plus haut depuis la crise syrienne de 2015 (un peu moins de 45.000 demandes). Mais à l’époque, des solutions avaient pu être trouvées rapidement pour que personne ne dorme à la rue pendant des semaines. « On oublie aussi de dire que l’augmentation des chiffres s’explique par les restrictions de possibilités de voyage durant le covid en 2020 et 2021 », ajoute Jessica Blommaert, spécialiste de l’accueil au Ciré (Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Etrangers). « Il était prévisible qu’au moment du retour à la normale, plus de personnes arrivent en Europe. Cela n’a pas été anticipé par les autorités. » | ||
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===Pourquoi laisse-t-on des gens à la rue ? === | ===Pourquoi laisse-t-on des gens à la rue ? === | ||
Le manque de places d'accueil est dû à des problèmes de gestion et de financement. Les autorités ont du mal à s'adapter rapidement aux fluctuations du nombre d'arrivées. | <u>Le manque de places d'accueil est dû à des problèmes de gestion et de financement. Les autorités ont du mal à s'adapter rapidement aux fluctuations du nombre d'arrivées.</u> | ||
Selon un dernier décompte, il y aurait 2.400 demandeurs d’asile laissés sans solution de logement par Fedasil, l’organe en charge de l’accueil en Belgique. La création de 8.000 places dans quatorze nouveaux centres d’accueil n’a pas suffi à absorber la demande. Plusieurs centaines de personnes se présentent chaque jour et les places sont attribuées en priorité aux femmes, aux enfants et aux mineurs non accompagnés. | Selon un dernier décompte, il y aurait 2.400 demandeurs d’asile laissés sans solution de logement par Fedasil, l’organe en charge de l’accueil en Belgique. La création de 8.000 places dans quatorze nouveaux centres d’accueil n’a pas suffi à absorber la demande. Plusieurs centaines de personnes se présentent chaque jour et les places sont attribuées en priorité aux femmes, aux enfants et aux mineurs non accompagnés. | ||
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===Combien de places faudrait-il encore ? === | ===Combien de places faudrait-il encore ? === | ||
Le nombre exact varie selon les périodes, mais plusieurs milliers de places supplémentaires seraient nécessaires pour accueillir dignement tous les demandeurs d'asile en Belgique. | <u>Le nombre exact varie selon les périodes, mais plusieurs milliers de places supplémentaires seraient nécessaires pour accueillir dignement tous les demandeurs d'asile en Belgique.</u> | ||
S’il arrive à un accord mercredi soir, le gouvernement devrait pouvoir annoncer la création d’environ 2.000 nouvelles places, via notamment l’installation d’un village de 600 logements modulaires (containeurs) dans le Brabant flamand. On sait déjà que cela ne suffira probablement pas. « Il aurait déjà fallu 2.400 places ne fût-ce que pour héberger les personnes à la rue », rappelle Jessica Blommaert. « Or, on s’attend à une augmentation des arrivées dans les mois qui viennent. Si on veut stabiliser la situation, il faudrait donc beaucoup plus de places, à mon avis au moins 4.000 à 4500 nouvelles places d’accueil. » | S’il arrive à un accord mercredi soir, le gouvernement devrait pouvoir annoncer la création d’environ 2.000 nouvelles places, via notamment l’installation d’un village de 600 logements modulaires (containeurs) dans le Brabant flamand. On sait déjà que cela ne suffira probablement pas. « Il aurait déjà fallu 2.400 places ne fût-ce que pour héberger les personnes à la rue », rappelle Jessica Blommaert. « Or, on s’attend à une augmentation des arrivées dans les mois qui viennent. Si on veut stabiliser la situation, il faudrait donc beaucoup plus de places, à mon avis au moins 4.000 à 4500 nouvelles places d’accueil. » | ||
===D’où viennent les demandeurs d’asile ?=== | ===D’où viennent les demandeurs d’asile ?=== | ||
Les principaux pays d'origine varient selon les années, mais incluent souvent des pays en conflit comme la Syrie, l'Afghanistan, l'Irak, ou des pays avec des problèmes politiques comme l'Érythrée. | <u>Les principaux pays d'origine varient selon les années et kla situation internationale, mais incluent souvent des pays en conflit comme la Syrie, l'Afghanistan, l'Irak, ou des pays avec des problèmes politiques comme l'Érythrée.</u> | ||
La très grande majorité de ceux qui demandent l’accueil en Belgique fuient le régime des talibans en Afghanistan. Les autres nationalités les plus représentées viennent également des pays où la situation est très compliquée, à savoir la Syrie, la Palestine ou encore l’Erythrée. De nombreux Burundais ont aussi tenté leur chance en 2022, encouragés par un système de visa avantageux via un passage par la Serbie. Ce système a été supprimé et les Burundais n’apparaissent plus dans le top 10 des nationalités les plus représentées. | La très grande majorité de ceux qui demandent l’accueil en Belgique fuient le régime des talibans en Afghanistan. Les autres nationalités les plus représentées viennent également des pays où la situation est très compliquée, à savoir la Syrie, la Palestine ou encore l’Erythrée. De nombreux Burundais ont aussi tenté leur chance en 2022, encouragés par un système de visa avantageux via un passage par la Serbie. Ce système a été supprimé et les Burundais n’apparaissent plus dans le top 10 des nationalités les plus représentées. | ||
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===Les demandeurs d’asile reçoivent-ils de l’argent ?=== | ===Les demandeurs d’asile reçoivent-ils de l’argent ?=== | ||
Non. La Belgique a opté pour un système d’aide matérielle, c’est-à-dire qu’elle s’engage à offrir un lit dans un hébergement collectif, l’accès à des repas, un accompagnement sociojuridique pour les démarches ainsi qu’un accompagnement médical et psychologique. Ils n'ont pas accès aux allocations sociales classiques. | <u>Non. La Belgique a opté pour un système d’aide matérielle, c’est-à-dire qu’elle s’engage à offrir un lit dans un hébergement collectif, l’accès à des repas, un accompagnement sociojuridique pour les démarches ainsi qu’un accompagnement médical et psychologique. Ils n'ont pas accès aux allocations sociales classiques.</u> | ||
« L’aide financière qui existait jusqu’en 2007 n’a plus été retenue », précise Jessica Blommaert. « Un peu d’argent de poche est distribué chaque semaine dans les centres, mais cela représente moins de 10 euros par semaine pour les adultes. » | « L’aide financière qui existait jusqu’en 2007 n’a plus été retenue », précise Jessica Blommaert. « Un peu d’argent de poche est distribué chaque semaine dans les centres, mais cela représente moins de 10 euros par semaine pour les adultes. » | ||
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===Certains restent-ils vraiment trois ans dans les centres ?=== | ===Certains restent-ils vraiment trois ans dans les centres ?=== | ||
Oui, | <u>Oui, malheureusement. Selon le rapport annuel 2022 de Fedasil, la durée moyenne de séjour dans le réseau d'accueil était de 15,5 mois. Certains cas complexes peuvent effectivement prendre plusieurs années.</u> | ||
Cette attente est liée à l’arriéré accumulé par le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), institution indépendante chargée de statuer sur les requêtes des demandeurs d’asile. L’arriéré est actuellement d’environ 12.000 dossiers. Du personnel a été recruté, mais cela ne suffit pas. « Cela tient aussi au fait que le dernier dossier déposé en haut de la pile est traité en priorité », glisse Jessica Blommaert. « Résultat : quelqu’un qui demande l’asile aujourd’hui aura probablement une réponse plus rapidement que quelqu’un qui est arrivé il y a deux ou trois ans. » | |||
'''À lire aussi''' [https://www.lesoir.be/498495/article/2023-03-02/crise-de-laccueil-pourquoi-la-vivaldi-tourne-en-rond Crise de l’accueil: pourquoi la Vivaldi tourne en rond?] | '''À lire aussi''' [https://www.lesoir.be/498495/article/2023-03-02/crise-de-laccueil-pourquoi-la-vivaldi-tourne-en-rond Crise de l’accueil: pourquoi la Vivaldi tourne en rond?] | ||
===Que faire de ceux à qui on a dit « non » ?=== | ===Que faire de ceux à qui on a dit « non » ?=== | ||
<u>Les personnes déboutées doivent en principe quitter le territoire. Cependant, certaines restent pour diverses raisons (appel en cours, impossibilité de retour, etc.). Un accompagnement au retour volontaire est proposé. D'autre part, ceetaines catégories, comme les AFhans, ne peuvent pas être renvoyés dans leur pays, même si la protection leur est refusée. La Belgique « fabrique » ainsi des sans-papiers</u>. | |||
Un peu plus de 7.000 personnes ont été expulsées en 2022, mais les chiffres ne précisent pas combien étaient des demandeurs d’asile déboutés. Le gouvernement envisage que ces derniers quittent directement les centres d’accueil dès qu’ils ont reçu une décision finale négative. « La majorité sort déjà des centres à ce moment-là », assure Jessica Blommaert. « Une fois déboutés, certains vont introduire une demande pour raison humanitaire ou médicale, mais on parle d’environ 1.000 personnes maximum sur un réseau de 34.000 places… » | Un peu plus de 7.000 personnes ont été expulsées en 2022, mais les chiffres ne précisent pas combien étaient des demandeurs d’asile déboutés. Le gouvernement envisage que ces derniers quittent directement les centres d’accueil dès qu’ils ont reçu une décision finale négative. « La majorité sort déjà des centres à ce moment-là », assure Jessica Blommaert. « Une fois déboutés, certains vont introduire une demande pour raison humanitaire ou médicale, mais on parle d’environ 1.000 personnes maximum sur un réseau de 34.000 places… » | ||
===Tout cela est-il la faute de l’Europe ?=== | ===Tout cela est-il la faute de l’Europe ?=== | ||
<u>Non, ce n'est pas uniquement la faute de l'Europe. La gestion de l'asile est une responsabilité partagée entre l'UE et ses États membres. Les défis sont complexes et nécessitent une coopération à tous les niveaux.</u> | |||
Les discussions compliquées au niveau belge sont de la gnognotte par rapport aux blocages au niveau européen. Le règlement de Dublin, qui prévoit qu’un demandeur d’asile s’enregistre et suive la procédure dans son pays d’arrivée (donc dans les pays aux frontières de l’Europe), est caduc. « Sauf que cela n’est pas nouveau », rappelle Philippe De Bruycker, professeur à l’ULB. « Dublin n’a jamais fonctionné depuis vingt ans, pour diverses raisons. Par exemple, il est souvent difficile pour un pays comme la Belgique de prouver la responsabilité d’un autre Etat d’où serait théoriquement originaire un demandeur d’asile. » | Les discussions compliquées au niveau belge sont de la gnognotte par rapport aux blocages au niveau européen. Le règlement de Dublin, qui prévoit qu’un demandeur d’asile s’enregistre et suive la procédure dans son pays d’arrivée (donc dans les pays aux frontières de l’Europe), est caduc. « Sauf que cela n’est pas nouveau », rappelle Philippe De Bruycker, professeur à l’ULB. « Dublin n’a jamais fonctionné depuis vingt ans, pour diverses raisons. Par exemple, il est souvent difficile pour un pays comme la Belgique de prouver la responsabilité d’un autre Etat d’où serait théoriquement originaire un demandeur d’asile. » | ||
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===La Belgique est-elle plus « attractive » que ses voisins ?=== | ===La Belgique est-elle plus « attractive » que ses voisins ?=== | ||
<u>Pas particulièrement. Selon Eurostat, en 2022, la Belgique a reçu environ 37.000 demandes d'asile, soit moins que l'Allemagne (244.000) ou la France (156.000), proportionnellement à sa population. La Belgique n’est donc pas au-dessus de la moyenne. Nos voisins ont aussi connu des difficultés.</u> | |||
Les Pays-Bas sont toutefois parvenus à trouver des solutions pour que personne ne dorme à la rue. Même topo en Allemagne. Dans ces deux pays, les communes ont été appelées à la rescousse via des plans de répartition. Option jusqu’ici refusée par la secrétaire d’Etat Nicole de Moor (CD&V). Pour Jessica Blommaert, « dire que la Belgique est particulièrement touchée passe très mal, surtout quand on pense aux pays de la Méditerranée, qui sont bien plus concernés ». | Les Pays-Bas sont toutefois parvenus à trouver des solutions pour que personne ne dorme à la rue. Même topo en Allemagne. Dans ces deux pays, les communes ont été appelées à la rescousse via des plans de répartition. Option jusqu’ici refusée par la secrétaire d’Etat Nicole de Moor (CD&V). Pour Jessica Blommaert, « dire que la Belgique est particulièrement touchée passe très mal, surtout quand on pense aux pays de la Méditerranée, qui sont bien plus concernés ». | ||
===L’état de droit est-il menacé ?=== | ===L’état de droit est-il menacé ?=== | ||
Oui, et cela n’est pas nouveau en matière migratoire, à en croire Philippe De Bruycker : « Le plus choquant dans cette crise est que des personnes soient laissées à la rue en violation du droit belge, du droit européen et du droit international. On n’applique pas le droit belge ni les décisions rendues par la justice. Cette remise en cause de l’état de droit est très préoccupante, bien qu’elle ne soit pas propre à la Belgique. » | <u>Oui, et cela n’est pas nouveau en matière migratoire</u>, à en croire Philippe De Bruycker : « Le plus choquant dans cette crise est que des personnes soient laissées à la rue en violation du droit belge, du droit européen et du droit international. On n’applique pas le droit belge ni les décisions rendues par la justice. Cette remise en cause de l’état de droit est très préoccupante, bien qu’elle ne soit pas propre à la Belgique. » | ||
=== Ce sont tous des profiteurs? === | |||
<u>Cette affirmation est fausse. La majorité des demandeurs d'asile fuient des situations de guerre ou de persécution. Selon le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), en 2022, environ 50% des demandes d'asile en Belgique ont été approuvées, confirmant la légitimité de nombreuses demandes.</u> | |||
Nous rappelons que dans la plupart des cas les demandeurs d’asile sont parfaitement honnêtes et sincères. Les personnes ne recevant pas le droit d'asile ne sont pas des « profiteurs » du système, mais simplement des gens qui n’ont pas satisfait aux critères requis. Il en va ainsi de tout processus de sélection. | |||
Nous rappelons que dans la plupart des cas les demandeurs d’asile sont parfaitement honnêtes et sincères | |||
=== La Belgique est trop généreuse en matière d'asile: faux === | === La Belgique est trop généreuse en matière d'asile: faux === | ||
<u>La Belgique doit respecter simplement ses obligations internationales. Selon l'OCDE, les dépenses belges pour l'accueil des demandeurs d'asile représentaient environ 0,24% du PIB en 2019, un chiffre comparable à d'autres pays européens.</u> | |||
Lorsqu’elle examine les demandes d’asile et octroie sa protection, la Belgique remplit une obligation internationale. Elle applique la Convention de Genève de 1951 et la réglementation européenne, qui définissent les conditions de reconnaissance du statut de réfugié et de la protection subsidiaire. | Lorsqu’elle examine les demandes d’asile et octroie sa protection, la Belgique remplit une obligation internationale. Elle applique la Convention de Genève de 1951 et la réglementation européenne, qui définissent les conditions de reconnaissance du statut de réfugié et de la protection subsidiaire. | ||
Il est vrai que ces reconnaissances sont en augmentation ces dernières années : le taux de décisions positives rendues par le Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides (CGRA) est passé de 29,4% en 2013 à plus de 62,8% aujourd’hui). Mais cela ne s’explique pas par un changement de cap de la Belgique, ce sont les nationalités des demandeurs d’asile qui ont évolué. Parmi eux se trouvent actuellement de nombreux Syriens, Irakiens et Afghans, originaires de pays en guerre et dont le besoin de protection est avéré. | Il est vrai que ces reconnaissances sont en augmentation ces dernières années : le taux de décisions positives rendues par le Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides (CGRA) est passé de 29,4% en 2013 à plus de 62,8% aujourd’hui). Mais cela ne s’explique pas par un changement de cap de la Belgique, ce sont les nationalités des demandeurs d’asile qui ont évolué. Parmi eux se trouvent actuellement de nombreux Syriens, Irakiens et Afghans, originaires de pays en guerre et dont le besoin de protection est avéré. | ||