« Avortement » : différence entre les versions
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== Droits des femmes == | === Droits des femmes === | ||
Le droit fondamental des femmes à disposer de leur propre corps est au coeur de la lutte pour l'avortement. Les femmes doivent avoir le choix de décider si elles veulent poursuivre ou mettre fin à une grossesse, car cela affecte leur santé, leur bien-être et leur autonomie. | Le droit fondamental des femmes à disposer de leur propre corps est au coeur de la lutte pour l'avortement. Les femmes doivent avoir le choix de décider si elles veulent poursuivre ou mettre fin à une grossesse, car cela affecte leur santé, leur bien-être et leur autonomie. | ||
== Des avortements sont toujours pratiqués, quoi qu’en dise la loi == | === Des avortements sont toujours pratiqués, quoi qu’en dise la loi === | ||
L'accès à des avortements sûrs et légaux est essentiel pour préserver la santé et le bien-être des femmes. L'interdiction de l'avortement ne mettrait pas fin aux avortements, mais risquerait plutôt de pousser les femmes vers des procédures clandestines dangereuses. Les avortements non sécurisés sont à l’origine d’environ 39.000 décès chaque année et entraînent l’hospitalisation de millions de femmes supplémentaires en raison de complications. La plupart de ces décès sont concentrés dans les pays à revenu faible - plus de 60% en Afrique et 30% en Asie - et parmi les personnes les plus [https://news.un.org/fr/story/2022/03/1115992 vulnérables]. | L'accès à des avortements sûrs et légaux est essentiel pour préserver la santé et le bien-être des femmes. L'interdiction de l'avortement ne mettrait pas fin aux avortements, mais risquerait plutôt de pousser les femmes vers des procédures clandestines dangereuses. Les avortements non sécurisés sont à l’origine d’environ 39.000 décès chaque année et entraînent l’hospitalisation de millions de femmes supplémentaires en raison de complications. La plupart de ces décès sont concentrés dans les pays à revenu faible - plus de 60% en Afrique et 30% en Asie - et parmi les personnes les plus [https://news.un.org/fr/story/2022/03/1115992 vulnérables]. | ||
Que l’avortement soit légal ou non, les services d’avortement sont toujours nécessaires et des personnes y accèdent régulièrement. D’après l’Institut Guttmacher, le taux d’avortement s’élève à 37 pour 1 000 personnes dans les pays qui interdisent entièrement l’avortement ou ne l’autorisent que dans certaines circonstances pour sauver la vie d’une femme, et à 34 pour 1 000 personnes dans les pays qui autorisent largement l’avortement, une différence négligeable du point de vue statistique. | Que l’avortement soit légal ou non, les services d’avortement sont toujours nécessaires et des personnes y accèdent régulièrement. D’après l’Institut Guttmacher, le taux d’avortement s’élève à 37 pour 1 000 personnes dans les pays qui interdisent entièrement l’avortement ou ne l’autorisent que dans certaines circonstances pour sauver la vie d’une femme, et à 34 pour 1 000 personnes dans les pays qui autorisent largement l’avortement, une différence négligeable du point de vue statistique. | ||
== Grossesses non désirées == | === Grossesses non désirées === | ||
L'avortement est une solution pour les grossesses non désirées, qu'elles soient dues à des contraceptifs qui ont échoué, à des relations non consenties ou à d'autres circonstances indésirables. La possibilité de mettre fin à une grossesse non désirée permet d'éviter des conséquences négatives pour la femme, l'enfant à naître et la société dans son ensemble. | L'avortement est une solution pour les grossesses non désirées, qu'elles soient dues à des contraceptifs qui ont échoué, à des relations non consenties ou à d'autres circonstances indésirables. La possibilité de mettre fin à une grossesse non désirée permet d'éviter des conséquences négatives pour la femme, l'enfant à naître et la société dans son ensemble. | ||
== Qualité de vie de l'enfant == | === Qualité de vie de l'enfant === | ||
La qualité de vie de l'enfant à naître est en jeu. On affirme que dans des situations où un enfant risque de naître avec des maladies graves, des handicaps ou dans des conditions socio-économiques défavorables, l'avortement peut être considéré comme une décision responsable. | La qualité de vie de l'enfant à naître est en jeu. On affirme que dans des situations où un enfant risque de naître avec des maladies graves, des handicaps ou dans des conditions socio-économiques défavorables, l'avortement peut être considéré comme une décision responsable. | ||
== « Les femmes vont avorter comme elles vont s'acheter des chaussures.» == | === « Les femmes vont avorter comme elles vont s'acheter des chaussures.» === | ||
Si se rendre dans un grand magasin un samedi après-midi n’est pas une partie de plaisir, la comparaison peut s’arrêter là. Il n’existe aucune étude permettant d’affirmer que les femmes utilisent l’avortement comme un contraceptif lambda. D’ailleurs, les contraceptifs comme les préservatifs, la pilule ou le stérilet sont moins chers, plus faciles d’accès, et moins physiquement douloureux que les avortements. | Si se rendre dans un grand magasin un samedi après-midi n’est pas une partie de plaisir, la comparaison peut s’arrêter là. Il n’existe aucune étude permettant d’affirmer que les femmes utilisent l’avortement comme un contraceptif lambda. D’ailleurs, les contraceptifs comme les préservatifs, la pilule ou le stérilet sont moins chers, plus faciles d’accès, et moins physiquement douloureux que les avortements. | ||
== « Les femmes le regrettent toujours » == | === « Les femmes le regrettent toujours » === | ||
95% des femmes ayant eu recours à un avortement ne le regrettent pas. C’est ce que démontre une étude du Bixby Center for Global Reproductive Health à l’école de médecine de l’hôpital de San Francisco publiée en 2015. L’étude, résumée par le [http://time.com/3956781/women-abortion-regret-reproductive-health/ « Time »], montre que la [https://www.elle.fr/Societe/Les-enquetes/J-ai-avorte-et-apres-2267264 quasi intégralité des femmes pense qu’il s’agissait d’une bonne décision] à la fois sur le court terme et le long terme <ref>https://www.elle.fr/Societe/Les-enquetes/J-ai-avorte-et-apres-2267264</ref>. | 95% des femmes ayant eu recours à un avortement ne le regrettent pas. C’est ce que démontre une étude du Bixby Center for Global Reproductive Health à l’école de médecine de l’hôpital de San Francisco publiée en 2015. L’étude, résumée par le [http://time.com/3956781/women-abortion-regret-reproductive-health/ « Time »], montre que la [https://www.elle.fr/Societe/Les-enquetes/J-ai-avorte-et-apres-2267264 quasi intégralité des femmes pense qu’il s’agissait d’une bonne décision] à la fois sur le court terme et le long terme <ref>https://www.elle.fr/Societe/Les-enquetes/J-ai-avorte-et-apres-2267264</ref>. | ||
== « Elles n'avaient qu'à se protéger d'avantage » == | === « Elles n'avaient qu'à se protéger d'avantage » === | ||
Parce qu’elles sont forcément tombées enceintes toutes seules. Evidemment. | Parce qu’elles sont forcément tombées enceintes toutes seules. Evidemment. | ||
Aucune contraception n’est malheureusement fiable à 100%. Avec une utilisation typique de la contraception, qui tient compte des erreurs d’utilisation possibles comme l’oubli de pilule, la déchirure du préservatif…, le préservatif masculin connaît un taux d’échec de 14%, les spermicides de 26% et la pilule contraceptive de 6%. CQFD. | Aucune contraception n’est malheureusement fiable à 100%. Avec une utilisation typique de la contraception, qui tient compte des erreurs d’utilisation possibles comme l’oubli de pilule, la déchirure du préservatif…, le préservatif masculin connaît un taux d’échec de 14%, les spermicides de 26% et la pilule contraceptive de 6%. CQFD. | ||
== « Et si les mères de Martin Luther King et de Smone Veil avaient avorté ? » == | === « Et si les mères de Martin Luther King et de Smone Veil avaient avorté ? » === | ||
Le site féministe américain Bustle répond avec humour : et si les mères de Joseph Staline ou Pol Pot avaient avorté ? | Le site féministe américain Bustle répond avec humour : et si les mères de Joseph Staline ou Pol Pot avaient avorté ? | ||
== « Les couples ne se remettent pas d'un avortement." == | === « Les couples ne se remettent pas d'un avortement." === | ||
Car il est bien connu qu’une décision prise communément par les deux parties d’un couple est souvent source de discorde. Par ailleurs, il n’existe pas d’étude permettant d’affirmer ce propos. | Car il est bien connu qu’une décision prise communément par les deux parties d’un couple est souvent source de discorde. Par ailleurs, il n’existe pas d’étude permettant d’affirmer ce propos. | ||
Les droits des femmes sont constamment remis en cause et nous devons encore malheureusement argumenter pour préserver la liberté des femmes. Vivement que l’avortement, malgré les Trump et autres régressistes de tous bords, ne fasse plus l’objet de débats. Faisons de l’avortement un droit fondamental, inscrit dans la constitution. Vite. | Les droits des femmes sont constamment remis en cause et nous devons encore malheureusement argumenter pour préserver la liberté des femmes. Vivement que l’avortement, malgré les Trump et autres régressistes de tous bords, ne fasse plus l’objet de débats. Faisons de l’avortement un droit fondamental, inscrit dans la constitution. Vite. | ||
=== La criminalisation de l’avortement est une forme de discrimination, qui ne fait qu’alimenter les préjugés === | |||
Tout d’abord, la privation de services médicaux, en particulier pour les services de santé reproductive, dont seulement certaines personnes ont besoin, est une forme de discrimination. | |||
Le Comité des Nations unies chargé de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ne cesse d’affirmer que les lois restrictives en matière d’avortement s’apparentent à une discrimination contre les femmes. Cela s’applique à toutes les femmes et à toutes les personnes qui peuvent tomber enceintes, puisque le Comité a confirmé que les protections inscrites dans la Convention, de même que les obligations y afférentes des États, s’appliquaient à toutes les femmes et, par conséquent, qu’elles visaient d’autant plus la discrimination contre les femmes lesbiennes, bisexuelles ou transgenres en raison des formes particulières de discrimination sexiste qu’elles subissent. | |||
De plus, la réprobation sociale associée à l’avortement et les préjugés liés au genre sont étroitement liés à la criminalisation de l’avortement et aux autres lois et politiques restrictives dans ce domaine. | |||
La simple idée selon laquelle l’avortement est illégal ou immoral entraîne la stigmatisation des femmes et des jeunes filles par le personnel médical, les membres de leur famille et le système judiciaire, entre autres. En conséquence, celles qui cherchent à avorter s’exposent à la discrimination et au harcèlement. Certaines femmes ont indiqué avoir été maltraitées et humiliées par des professionnels de santé lorsqu’elles ont voulu se faire avorter ou se faire soigner après leur avortement. | |||
=== L’accès à l’avortement sans danger relève des droits humains === | |||
L’accès à des services d’avortement sûrs est un droit fondamental. Aux termes du droit international relatif aux droits humains, chacun·e a droit à la vie, à la santé, ainsi qu’à ne pas subir de violences, de discrimination, de torture ou de traitements cruels, inhumains et dégradants. | |||
Le droit relatif aux droits humains énonce clairement que les décisions relatives au corps de chacun·e appartiennent à chacun·e – c’est ce que l’on appelle l’autonomie corporelle. | |||
Forcer une personne à poursuivre une grossesse non désirée ou la forcer à se faire avorter dans des conditions dangereuses constitue une atteinte à ses droits humains, notamment à ses droits à la vie privée et à l’autonomie corporelle. | |||
Dans de nombreuses circonstances, les personnes qui n’ont pas d’autre choix que de recourir à des avortements dangereux s’exposent à des poursuites et à des sanctions, notamment à des peines de prison, ainsi qu’à des traitements cruels, inhumains et dégradants, à des discriminations lors de soins vitaux après leur avortement ou à l’impossibilité de bénéficier de tels soins. | |||
Par conséquent, l’accès à l’avortement est fondamentalement lié à la protection et au respect des droits humains des femmes, des jeunes filles et des autres personnes qui peuvent tomber enceintes, et donc essentiel pour obtenir la justice sociale et entre les genres. | |||
Amnesty International estime que chacun·e doit être libre d’exercer son autonomie corporelle et de prendre ses propres décisions concernant sa vie reproductive, et en particulier de décider à quel moment avoir des enfants, si on le souhaite. Il est essentiel que les lois relatives à l’avortement respectent, protègent et mettent en œuvre les droits humains des personnes enceintes et ne les contraignent pas à se faire avorter dans des conditions dangereuses. | |||
=== La criminalisation et la restriction de l’avortement empêchent les médecins de prodiguer des soins de base === | |||
La criminalisation de l’avortement et les lois restrictives en la matière empêchent les personnels médicaux de faire correctement leur travail et de proposer à leurs patient·e·s les meilleurs soins possible, conformément aux bonnes pratiques médicales et à leur responsabilité déontologique. | |||
La criminalisation a un « effet dissuasif », c’est-à-dire qu’il arrive que les professionnels de santé ne comprennent pas les limites de la loi ou appliquent les restrictions de manière plus stricte que ce que prévoit la législation. Cette attitude peut s’expliquer par diverses raisons, notamment des convictions personnelles, des préjugés sur l’avortement, des stéréotypes négatifs sur les femmes et les jeunes filles ou la crainte de faire l’objet de poursuites pénales. | |||
Cela dissuade également les femmes et les jeunes filles de se faire soigner après un avortement en cas de complications dues à un avortement dangereux ou en raison d’autres complications liées à la grossesse. | |||
Claire Malone, une jeune femme irlandaise qui avait déjà deux enfants, a livré à la section irlandaise d’Amnesty International son témoignage poignant. Elle a raconté comment son droit à la santé a été bafoué lorsqu’elle n’a pas pu accéder à un avortement en raison de la législation stricte en vigueur dans son pays. | |||
Elle souffre de plusieurs problèmes de santé complexes qui mettent sa vie en danger, notamment d’atrésie pulmonaire et d’hypertension pulmonaire, et a dû se faire retirer un poumon en 2014. Lorsqu’une femme atteinte d’hypertension pulmonaire tombe enceinte, le risque est très élevé que sa maladie s’aggrave ou qu’elle décède pendant sa grossesse. Claire le sait, et c’est la raison pour laquelle elle a souhaité y mettre un terme. Pourtant, sa demande a été rejetée par ses médecins car la loi les empêchait de pratiquer cet acte. | |||
« Mes docteurs ont répondu qu’ils ne pouvaient pas me proposer d’interruption de grossesse car ma vie n’était pas en danger à ce moment-là, et c’est tout. Je sais qu’ils sont tenus par la loi. Mais j’avais la sensation de devoir attendre que ma santé se dégrade au point de risquer de perdre la vie, et qu’alors il serait trop tard. Pourquoi un risque, déjà très élevé, pour ma santé n’était-il pas suffisant ? Que devais-je endurer avant que mes médecins ne soient autorisés à me prodiguer des soins ? » | |||
=== Les femmes et les jeunes filles cisgenres ne sont pas les seules à avoir besoin d’avortements === | |||
Les femmes et les jeunes filles cisgenres (c’est-à-dire des femmes et des filles qui se sont vu attribuer le sexe féminin à leur naissance) ne sont pas les seules à pouvoir être amenées à se faire avorter. Des personnes intersexes, des hommes et des garçons transgenres et des personnes ayant d’autres identités de genre, qui peuvent être physiologiquement aptes à être enceintes, peuvent aussi avoir besoin d’accéder à ces services. | |||
La difficulté d’accès aux soins médicaux constitue l’un des principaux obstacles à l’avortement pour ces personnes et ces groupes. De plus, même les personnes qui ont accès à ces soins peuvent être confrontées à des préjugés et des opinions tendancieuses sur leur prise en charge médicale, et certaines personnes peuvent supposer qu’elles n’ont pas besoin d’accéder à la contraception ou à des informations et services liés à l’avortement. Dans certains contextes, 28 % des personnes transgenres et qui ne se conforment pas à la norme de leur genre déclarent avoir été victimes de harcèlement dans le milieu médical, et 19 % d’entre elles affirment que des soins médicaux leur ont été totalement refusés en raison de leur statut de personne transgenre. Parmi les populations de couleur, ces chiffres sont encore plus élevés. De nombreux facteurs entremêlés sont à l’origine de cet état de fait, notamment la pauvreté, la couleur de peau et les discriminations croisées qui leur sont associées. | |||
Les personnes qui défendent les droits sexuels et reproductifs ainsi que les droits des LGBTI font campagne pour sensibiliser le public à cette question et pour rendre les services d’avortement disponibles, accessibles et ouverts à toute personne qui en a besoin, sans aucune discrimination. | |||
== Références == | == Références == | ||
[[Catégorie:Droits des femmes]] | [[Catégorie:Droits des femmes]] |
Version actuelle datée du 22 juin 2023 à 21:14
Droits des femmes
Le droit fondamental des femmes à disposer de leur propre corps est au coeur de la lutte pour l'avortement. Les femmes doivent avoir le choix de décider si elles veulent poursuivre ou mettre fin à une grossesse, car cela affecte leur santé, leur bien-être et leur autonomie.
Des avortements sont toujours pratiqués, quoi qu’en dise la loi
L'accès à des avortements sûrs et légaux est essentiel pour préserver la santé et le bien-être des femmes. L'interdiction de l'avortement ne mettrait pas fin aux avortements, mais risquerait plutôt de pousser les femmes vers des procédures clandestines dangereuses. Les avortements non sécurisés sont à l’origine d’environ 39.000 décès chaque année et entraînent l’hospitalisation de millions de femmes supplémentaires en raison de complications. La plupart de ces décès sont concentrés dans les pays à revenu faible - plus de 60% en Afrique et 30% en Asie - et parmi les personnes les plus vulnérables.
Que l’avortement soit légal ou non, les services d’avortement sont toujours nécessaires et des personnes y accèdent régulièrement. D’après l’Institut Guttmacher, le taux d’avortement s’élève à 37 pour 1 000 personnes dans les pays qui interdisent entièrement l’avortement ou ne l’autorisent que dans certaines circonstances pour sauver la vie d’une femme, et à 34 pour 1 000 personnes dans les pays qui autorisent largement l’avortement, une différence négligeable du point de vue statistique.
Grossesses non désirées
L'avortement est une solution pour les grossesses non désirées, qu'elles soient dues à des contraceptifs qui ont échoué, à des relations non consenties ou à d'autres circonstances indésirables. La possibilité de mettre fin à une grossesse non désirée permet d'éviter des conséquences négatives pour la femme, l'enfant à naître et la société dans son ensemble.
Qualité de vie de l'enfant
La qualité de vie de l'enfant à naître est en jeu. On affirme que dans des situations où un enfant risque de naître avec des maladies graves, des handicaps ou dans des conditions socio-économiques défavorables, l'avortement peut être considéré comme une décision responsable.
« Les femmes vont avorter comme elles vont s'acheter des chaussures.»
Si se rendre dans un grand magasin un samedi après-midi n’est pas une partie de plaisir, la comparaison peut s’arrêter là. Il n’existe aucune étude permettant d’affirmer que les femmes utilisent l’avortement comme un contraceptif lambda. D’ailleurs, les contraceptifs comme les préservatifs, la pilule ou le stérilet sont moins chers, plus faciles d’accès, et moins physiquement douloureux que les avortements.
« Les femmes le regrettent toujours »
95% des femmes ayant eu recours à un avortement ne le regrettent pas. C’est ce que démontre une étude du Bixby Center for Global Reproductive Health à l’école de médecine de l’hôpital de San Francisco publiée en 2015. L’étude, résumée par le « Time », montre que la quasi intégralité des femmes pense qu’il s’agissait d’une bonne décision à la fois sur le court terme et le long terme [1].
« Elles n'avaient qu'à se protéger d'avantage »
Parce qu’elles sont forcément tombées enceintes toutes seules. Evidemment.
Aucune contraception n’est malheureusement fiable à 100%. Avec une utilisation typique de la contraception, qui tient compte des erreurs d’utilisation possibles comme l’oubli de pilule, la déchirure du préservatif…, le préservatif masculin connaît un taux d’échec de 14%, les spermicides de 26% et la pilule contraceptive de 6%. CQFD.
« Et si les mères de Martin Luther King et de Smone Veil avaient avorté ? »
Le site féministe américain Bustle répond avec humour : et si les mères de Joseph Staline ou Pol Pot avaient avorté ?
« Les couples ne se remettent pas d'un avortement."
Car il est bien connu qu’une décision prise communément par les deux parties d’un couple est souvent source de discorde. Par ailleurs, il n’existe pas d’étude permettant d’affirmer ce propos.
Les droits des femmes sont constamment remis en cause et nous devons encore malheureusement argumenter pour préserver la liberté des femmes. Vivement que l’avortement, malgré les Trump et autres régressistes de tous bords, ne fasse plus l’objet de débats. Faisons de l’avortement un droit fondamental, inscrit dans la constitution. Vite.
La criminalisation de l’avortement est une forme de discrimination, qui ne fait qu’alimenter les préjugés
Tout d’abord, la privation de services médicaux, en particulier pour les services de santé reproductive, dont seulement certaines personnes ont besoin, est une forme de discrimination.
Le Comité des Nations unies chargé de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes ne cesse d’affirmer que les lois restrictives en matière d’avortement s’apparentent à une discrimination contre les femmes. Cela s’applique à toutes les femmes et à toutes les personnes qui peuvent tomber enceintes, puisque le Comité a confirmé que les protections inscrites dans la Convention, de même que les obligations y afférentes des États, s’appliquaient à toutes les femmes et, par conséquent, qu’elles visaient d’autant plus la discrimination contre les femmes lesbiennes, bisexuelles ou transgenres en raison des formes particulières de discrimination sexiste qu’elles subissent.
De plus, la réprobation sociale associée à l’avortement et les préjugés liés au genre sont étroitement liés à la criminalisation de l’avortement et aux autres lois et politiques restrictives dans ce domaine.
La simple idée selon laquelle l’avortement est illégal ou immoral entraîne la stigmatisation des femmes et des jeunes filles par le personnel médical, les membres de leur famille et le système judiciaire, entre autres. En conséquence, celles qui cherchent à avorter s’exposent à la discrimination et au harcèlement. Certaines femmes ont indiqué avoir été maltraitées et humiliées par des professionnels de santé lorsqu’elles ont voulu se faire avorter ou se faire soigner après leur avortement.
L’accès à l’avortement sans danger relève des droits humains
L’accès à des services d’avortement sûrs est un droit fondamental. Aux termes du droit international relatif aux droits humains, chacun·e a droit à la vie, à la santé, ainsi qu’à ne pas subir de violences, de discrimination, de torture ou de traitements cruels, inhumains et dégradants.
Le droit relatif aux droits humains énonce clairement que les décisions relatives au corps de chacun·e appartiennent à chacun·e – c’est ce que l’on appelle l’autonomie corporelle.
Forcer une personne à poursuivre une grossesse non désirée ou la forcer à se faire avorter dans des conditions dangereuses constitue une atteinte à ses droits humains, notamment à ses droits à la vie privée et à l’autonomie corporelle.
Dans de nombreuses circonstances, les personnes qui n’ont pas d’autre choix que de recourir à des avortements dangereux s’exposent à des poursuites et à des sanctions, notamment à des peines de prison, ainsi qu’à des traitements cruels, inhumains et dégradants, à des discriminations lors de soins vitaux après leur avortement ou à l’impossibilité de bénéficier de tels soins.
Par conséquent, l’accès à l’avortement est fondamentalement lié à la protection et au respect des droits humains des femmes, des jeunes filles et des autres personnes qui peuvent tomber enceintes, et donc essentiel pour obtenir la justice sociale et entre les genres.
Amnesty International estime que chacun·e doit être libre d’exercer son autonomie corporelle et de prendre ses propres décisions concernant sa vie reproductive, et en particulier de décider à quel moment avoir des enfants, si on le souhaite. Il est essentiel que les lois relatives à l’avortement respectent, protègent et mettent en œuvre les droits humains des personnes enceintes et ne les contraignent pas à se faire avorter dans des conditions dangereuses.
La criminalisation et la restriction de l’avortement empêchent les médecins de prodiguer des soins de base
La criminalisation de l’avortement et les lois restrictives en la matière empêchent les personnels médicaux de faire correctement leur travail et de proposer à leurs patient·e·s les meilleurs soins possible, conformément aux bonnes pratiques médicales et à leur responsabilité déontologique.
La criminalisation a un « effet dissuasif », c’est-à-dire qu’il arrive que les professionnels de santé ne comprennent pas les limites de la loi ou appliquent les restrictions de manière plus stricte que ce que prévoit la législation. Cette attitude peut s’expliquer par diverses raisons, notamment des convictions personnelles, des préjugés sur l’avortement, des stéréotypes négatifs sur les femmes et les jeunes filles ou la crainte de faire l’objet de poursuites pénales.
Cela dissuade également les femmes et les jeunes filles de se faire soigner après un avortement en cas de complications dues à un avortement dangereux ou en raison d’autres complications liées à la grossesse.
Claire Malone, une jeune femme irlandaise qui avait déjà deux enfants, a livré à la section irlandaise d’Amnesty International son témoignage poignant. Elle a raconté comment son droit à la santé a été bafoué lorsqu’elle n’a pas pu accéder à un avortement en raison de la législation stricte en vigueur dans son pays.
Elle souffre de plusieurs problèmes de santé complexes qui mettent sa vie en danger, notamment d’atrésie pulmonaire et d’hypertension pulmonaire, et a dû se faire retirer un poumon en 2014. Lorsqu’une femme atteinte d’hypertension pulmonaire tombe enceinte, le risque est très élevé que sa maladie s’aggrave ou qu’elle décède pendant sa grossesse. Claire le sait, et c’est la raison pour laquelle elle a souhaité y mettre un terme. Pourtant, sa demande a été rejetée par ses médecins car la loi les empêchait de pratiquer cet acte.
« Mes docteurs ont répondu qu’ils ne pouvaient pas me proposer d’interruption de grossesse car ma vie n’était pas en danger à ce moment-là, et c’est tout. Je sais qu’ils sont tenus par la loi. Mais j’avais la sensation de devoir attendre que ma santé se dégrade au point de risquer de perdre la vie, et qu’alors il serait trop tard. Pourquoi un risque, déjà très élevé, pour ma santé n’était-il pas suffisant ? Que devais-je endurer avant que mes médecins ne soient autorisés à me prodiguer des soins ? »
Les femmes et les jeunes filles cisgenres ne sont pas les seules à avoir besoin d’avortements
Les femmes et les jeunes filles cisgenres (c’est-à-dire des femmes et des filles qui se sont vu attribuer le sexe féminin à leur naissance) ne sont pas les seules à pouvoir être amenées à se faire avorter. Des personnes intersexes, des hommes et des garçons transgenres et des personnes ayant d’autres identités de genre, qui peuvent être physiologiquement aptes à être enceintes, peuvent aussi avoir besoin d’accéder à ces services.
La difficulté d’accès aux soins médicaux constitue l’un des principaux obstacles à l’avortement pour ces personnes et ces groupes. De plus, même les personnes qui ont accès à ces soins peuvent être confrontées à des préjugés et des opinions tendancieuses sur leur prise en charge médicale, et certaines personnes peuvent supposer qu’elles n’ont pas besoin d’accéder à la contraception ou à des informations et services liés à l’avortement. Dans certains contextes, 28 % des personnes transgenres et qui ne se conforment pas à la norme de leur genre déclarent avoir été victimes de harcèlement dans le milieu médical, et 19 % d’entre elles affirment que des soins médicaux leur ont été totalement refusés en raison de leur statut de personne transgenre. Parmi les populations de couleur, ces chiffres sont encore plus élevés. De nombreux facteurs entremêlés sont à l’origine de cet état de fait, notamment la pauvreté, la couleur de peau et les discriminations croisées qui leur sont associées.
Les personnes qui défendent les droits sexuels et reproductifs ainsi que les droits des LGBTI font campagne pour sensibiliser le public à cette question et pour rendre les services d’avortement disponibles, accessibles et ouverts à toute personne qui en a besoin, sans aucune discrimination.